31 JUILLET 1793, BARERE ET LA VIOLATION DES TOMBEAUX DE SAINT DENIS
Bertrand Barère, 1755-1841, 38 ans, en ce mercredi 31 juillet 1793, il y a 230 ans, monte à la tribune de la Convention et déclare : « Pour célébrer la journée du 10 août, qui a abattu le trône, il fallait, dans son anniversaire, détruire les mausolées fastueux qui sont à Saint-Denis. Dans la monarchie, les tombeaux mêmes avaient appris à flatter les rois ; l'orgueil et le faste royal ne pouvaient s'adoucir sur ce théâtre de la mort, et les porte-sceptres qui ont fait tant de maux à la France et à l'humanité semblent encore, même dans la tombe, s'enorgueillir d'une grandeur évanouie. La main puissante de la République doit effacer impitoyablement ces épitaphes superbes et démolir ces mausolées qui rappelleraient des rois l'effrayant souvenir ».
Mais avant lui, le journaliste, pamphlétaire plutôt anarchiste, Sylvain Maréchal, 1756-1803, avait écrit dès septembre 1792 :
« Tandis que nous sommes en train d’effacer tous les vestiges de la royauté, comment se fait-il que la cendre impure de nos rois repose encore intacte dans la ci-devant abbaye de Saint Denis ?
Nous avons fait main basse sur les effigies de tous nos despotes. Aucune n’a trouvé grâce à nos yeux. Statues, bustes, bas-reliefs, tableaux, dessins, gravures, toute image de roi a été soustraite à notre vue et nous souffrons que leurs reliques précieusement conservées dans des cercueils en plomb, insultent aux mânes de quantité de bons citoyens morts pour la défense de la patrie et de la liberté et qui à peine ont obtenu les honneurs de la sépulture.
Le 22 septembre 1792, lendemain du jour de l’abolition de la royauté et de l’établissement de la république, comment les sans-culottes ne se sont-ils pas transportés à Saint Denis pour y faire exhumer par la main du bourreau les vils ossements de tous ces monarques orgueilleux qui, du fond de leurs tombes, semblent encore aujourd’hui braver les lois de l’égalité ? Un Louis XIV, un Louis XV y attendent en paix leur successeur. On dirait que la révolution les a respectés. Il ne devrait pas rester pierre sur pierre de l’édifice consacré à leur sépulture.
Nos despotes poussaient la vengeance jusqu’à faire raser la maison de leurs assassins : infligeons-leur la peine du talion. Que les tombeaux de nos tyrans disparaissent et cessent de souiller plus longtemps la terre de la Liberté ; que leurs cendres soient jetées au vent et qu’une pyramide transmette à nos neveux la sentence portée contre tous ces scélérats couronnés et trop longtemps impunis ! ».
Dans Le Moniteur du 6 février 1793 le « poète » Ponce-Denis Ecouchard-Lebrun, dit Lebrun-Pindare, déclame dans son Ode patriotique aux évènements de 1792 :
"Purgeons le sol des patriotes
Par des rois encore infecté.
La terre de la liberté
Rejette les os des despotes !
De ces monstres divinisés
Que tous les cercueils soient brisés
Que leur mémoire soit flétrie
Et qu'avec leurs mânes errants,
Sortent du sein de la patrie
Les cadavres de ses tyrans".
Finalement la Convention par son décret du vendredi 2 août, Article XI, officialise la destruction des monuments et la violation des tombeaux renfermant les restes des rois, reines, religieux, guerriers, serviteurs de l’Etat qui ont fait la France. Une première vague de profanations commencera le 6 août, durera trois jours, continuera du 12 au 25 octobre et se terminera le 18 janvier 1794. Soulignons qu'à Nantes l'heureuse et salutaire décision de l'architecte Mathurin Crucy a permis de sauver le tombeau du Duc François II et de Marguerite de Foix, en septembre-octobre 1792, lors de la destruction du couvent des Carmes qui était la nécropole des ducs de Bretagne - où était inhumé Gilles de Retz - qu'il cacha dans le sol du Jardin des Plantes (à l'époque situé à côté de l'actuel lycée Clémenceau), et de les installer, en 1817, dans le transept sud de la cathédrale où l'on peut admirer ce chef d'œuvre de l'art médiéval.
Le bénédictin Don Poirier, en charge de l’inventaire en tant qu’archiviste de l’abbaye, écrira qu’entre le 6 et 8 août 1793, où cinquante et un tombeaux ont été détruits, « en trois jours on a détruit l’ouvrage de douze siècles ».
Cette vague de vandalisme républicain atteindra toute la France. Des destructions inestimables et irréparables !
Ayant tout oublié, Barère fera graver sur son tombeau que l'on peut voir dans le cimetière Saint Jean à Tarbes " Et moi aussi j'ai pleuré sur les maux que le crime a ajouté aux froissements inévitables dans les révolutions. J'en ai adouci personnellement les violences. Mais quelles mains eussent été assez puissantes pour tempérer partout le feu ardent qui faisait bouillonner les matières destinées à former la statue de la liberté". B. Barère, Dédicace de la pensée du gouvernement républicain.