19 OCTOBRE 1781, YORKTOWN… LA FIN DE LOUIS XVI ???
Des occupations diverses et variées m’ont retardé pour le rappel de cette date.
Il y a 240 ans les Forces royales françaises envoyées par le Roi Louis XVI donnaient la victoire au camp des Anglais « Insurgents » ; possesseurs des colonies anglaises aux Amériques, ils étaient révoltés contre leurs compatriotes venus de la lointaine Angleterre pour remettre de l’ordre dans ces 13 colonies qui s’étaient autoproclamées indépendantes à l'initiative d'un certain Georges Washington sous le nom d’Etats unis. Déjà chez ces précurseurs des Américains une question de sous : les taxes fixées par le royaume d’Angleterre, en particulier sur le thé. Mais ils voulaient aussi couper tout lien avec « la mère patrie ».
Contrairement à ce qui est vu dans le spectacle Charette (Dernier panache) au Puy du Fou, Washington (Ville de lavage en français) n’est pas venu en France. Son émissaire est, entr’autres, Benjamin Franklin. Il y a, en effet, un grand différend entre le Royaume et lui : L’Anglo-américain, nommé commandant en chef des armées, était le 28 mai 1754 officier de la milice britannique de Virginie, opérant notamment contre le Canada français, Vice-royauté du Royaume de France (qui représentait quand même le quart de la surface de l’Amérique du Nord !). Le Gouverneur canadien français du Fort Duquesne avait envoyé une délégation demandant aux Britanniques de se retirer des terres françaises de Virginie où ils s’installaient malgré les Traités. Cette délégation de 30 hommes, conduite par Joseph Coulon de Jumonville, fut prise dans un traquenard monté par Washington. Tous, sauf un, furent massacrés et scalpés par les Britanniques. La Cour de France avait considéré cette exaction comme un crime majeur et ne l’avait pas oublié.
C’est donc Benjamin Franklin qui était venu solliciter le soutien de Louis XVI à Versailles. Il avait débarqué le mercredi 4 décembre 1776 à Saint Goustan, le port d’Auray ; en effet une grande tempête s’était déclarée sur l’embouchure de la Loire et les vents contraires empêchaient la frégate Reprisal (Représailles en français) d’accoster à Paimboeuf avant de remonter jusqu’à Nantes. Franklin est souvent présenté comme un gentil autodidacte épris de liberté ; la frégate sur laquelle il a navigué est un bateau de guerre appartenant au Congrès des Etats indépendants. La Liberté c’est bien mais ne nourrit pas son homme ; les cales du Reprisal contiennent de l’indigo pour une valeur de ₤ 3000 sterling (+ ou – 424.770 €). Franklin écrira à Silas Dean, autre émissaire des Insurgents, qu’il compte bien en tirer 10 mille (+ ou – 1.020.740 € sources A.N Angleterre) en vendant ce stock de teinture en France. Guerre ou pas, mendier l’aide du Roi certes, mais les affaires "c’est les affaires" !
On sait la suite, le financement en sous-main de l’expédition du fringant La Fayette par le Roi Louis XVI, par l’intermédiaire de Victor-François de Broglie et Guy du Boismartin, le départ sur La Victoire trois mois après le Breton Armand Tuffin de La Rouërie, futur colonel Armand, qui fit l’expédition à ses frais, lui.
On oublie le mépris de Villedelavage pour les volontaires français, alors que le Traité d’alliance entre le Royaume et les Insurgents a été signé le 24 juillet 1778 et les aides livrées : « La prodigalité avec laquelle on a distribué les grades aux étrangers amènera certainement l’un de ces maux : rendre notre avancement militaire méprisable, ou ajouter à nos charges actuelles en encourageant au dessus d’eux des étrangers qui n’ont d’autres titres qu’un orgueil et une ambition effrénés... ». On ne peut pas dire que ce soit des propos très aimables pour des Français qui ont traversé l’Atlantique parfois dans des conditions périlleuses et à leurs frais. Seul le vibrionnant La Fayette semble avoir des liens privilégiés avec le Commandant en chef : la franc-maçonnerie arrange bien les choses !
Dans ses mémoires La Fayette, devenu Lafayette, osera écrire que c’est lui « le héros des deux mondes » (comme il se surnomme en toute modestie) qui est venu solliciter l’aide de Louis XVI en février 1779 alors que le Traité d’amitié a été signé depuis 11 mois.
Entre février et août 1781 La Rouërie fait un aller retour en France pour venir acheter, toujours à ses frais (il a du faire des emprunts pour cela), des vêtements et de l’armement pour ses hommes.
La victoire finale est acquise grâce au comte de Rochambeau, sur terre, mais surtout au Lieutenant général des Armées navales le comte de Grasse qui, avec ses vaisseaux, fera le blocus de la baie de Chesapeake empêchant les Anglais d’approvisionner les leurs. C’est son plan qui avait été retenu par Villedelavage et non celui de l’inconsistant Lafayette qui voulait attaquer New-York aux effectifs militaires bien supérieurs à ceux des Français. Après la victoire ce dernier se hâtera de prendre le premier bateau pour la France (la frégate Alliance, qui est leur seul bateau, mise à sa disposition par le Congrès) le 24 décembre 1781, afin d’aller raconter « sa » guerre à la Cour de Versailles où il arrivera le 17 janvier 1782
Le comte de Grasse reprendra la mission confiée par le Roi : assurer la sécurité des transports maritimes de Sa Majesté très chrétienne. Il sera fait prisonnier dans un combat naval aux Saintes livré par les Anglais, en avril 1782, et libéré en août 1783 pour négocier le Traité de paix de Paris le 3 septembre 1783.
Armand Tuffin, marquis de La Rouërie, débarquera à Brest le 11 mars 1784, après avoir soldé tous les hommes qui ont servi sous ses ordres ; il est presque ruiné et Lafayette est immensément riche !
Le conflit a coûté très cher au Royaume : aux alentours de 52 millions de Livres (20 millions prêtés et 32 millions avancés) auxquels il faut ajouter les dépenses inévitables pour faire face à la guerre subséquente avec l’Angleterre : 1 milliard de Livres ce qui représenterait 1.052.000.000, à peu près 12 milliards de nos €. C’est à dire la moitié de 5 ans (+ ou – 2.360.000.000 de Livres) de budget du royaume. Bien entendu cette guerre aux Amériques est un facteur aggravant du déficit en particulier depuis Louis XV et du bilan économique catastrophique de la Guerre de 7 ans (1756-1763) qui priva le royaume des richesses de ses territoires d’Outre-mer perdus. Pour Louis XVI le soutien aux Insurgents fut une revanche des pertes de cette même guerre.
Face à cette situation économique préoccupante Louis XVI va convoquer les Etats-Généraux afin de trouver une solution. Nous savons que sous l'influence de Mirabeau, le 23 juin 1789, cette réunion des Etats va dégénérer en auto-proclamation des députés en Assemblée nationale et tout va déraper en conflit politique sous l’influence des très nombreux juristes (avocats et magistrats), l’arrestation du Roi, sa destitution, l’abolition de la Royauté remplacée le 21 septembre 1792 par l’An I de la république (contrairement à la légende la république n’a jamais été proclamée).
Après un procès inique la tête du Roi tombera sur l’échafaud le 21 janvier 1793 ainsi que celles de nombreux nobles et membres du Haut clergé des Etats Généraux qui avaient refusé une position conciliante sur leurs privilèges pour sortir le royaume du chaos économique.
Et les Américains là-dedans ? Ils continuent leurs petites affaires ; Gouverneur Morris sera approché par Necker pour que les jeunes Etats-Unis remboursent au royaume les 52 millions de Livres (624 millions d’€) prêtés ou avancés. Le Congrès Etasunien arguera de son incapacité économique. La même demande sera faite par la Convention qui aura ajouté des intérêts de retard. La réponse du Congrès sera claire et nette, fin de non-recevoir, très américaine comme dans nos temps actuels : « cet argent a été prêté par le Roi et non par la république » ! Ce qui entraînera la guerre de Course par les révolutionnaires contre les Américains.
2 ANS après Yorktown le Traité de Paris (septembre 1783) entérine les accords de paix entre les belligérants ;
6 ANS après le Traité de Paris les Etat Généraux convoqués par Louis XVI se sont mués en Assemblée nationale Constituante pour chambouler les lois du Royaume ;
10 ANS après Yorktown la Monarchie est devenue constitutionnelle abolissant au profit du peuple (du moins est-ce ce qu'on lui fait croire) une grande partie de son pouvoir régalien ;
10 ANS après le Traité de Paris Louis XVI n'est plus et la royauté a été abolie un an plus tôt. L'Angleterre a perdu son ennemi héréditaire, William Pitt s'en frotte les mains et l'ignoble Barère a trouvé un banquier !.
Il est possible de conclure que, finalement, la victoire de Yorktown a coûté la vie à son principal auteur.
Article extrait des 35 pages consacrées au sujet, avec ses nombreuses sources, dans La Revue N°45 de juin 2018.